

Procès ordonné pour le policier auteur du tir qui a tué Nahel
Deux ans après la mort à Nanterre du jeune Nahel, point de départ d'un semaine d'émeutes à travers la France, deux juges d'instruction ont ordonné que le policier auteur du tir qui a tué l'adolescent le 27 juin 2023 soit jugé aux assises pour meurtre.
"Rien ne démontre que (le policier) Florian M. était autorisé dans la circonstance à faire usage de son arme, en méconnaissance des principes de proportionnalité et d'absolue nécessité", selon l'ordonnance qu'a pu consulter l'AFP.
"Sa mise en accusation devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine sera ordonnée", poursuivent les magistrats instructeurs dans ce document.
"Sous réserve" de recours, un procès pourrait se tenir devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine au 2e ou au 3e trimestre 2026", précise mardi un communiqué du tribunal.
Les magistrats ont suivi les réquisitions du parquet, qui avait demandé début mars le renvoi du policier mis en examen devant la cour d'assises.
Ils ont également prononcé un non-lieu pour l'autre fonctionnaire présent lors des faits, jusqu'ici témoin assisté pour complicité de meurtre.
Nahel a été tué le 27 juin 2023 d'une balle tirée à bout portant par un policier qui contrôlait le véhicule qu'il conduisait.
Son décès, devenu symbole des violences policières, avait été à l'origine de plusieurs nuits d'émeutes à travers la France.
Dans la foulée, une enquête pour meurtre avait été ouverte. Celle-ci s'est achevée le 2 août dernier. Une première version policière, selon laquelle le jeune homme aurait foncé sur le motard, avait été infirmée par une vidéo amateur diffusée sur les réseaux sociaux.
"Cette ordonnance est à la fois une déception et ce n'est pas une surprise, il aurait fallu que le juge d'instruction soit courageux pour prendre une autre position que celle du parquet", a réagi pour l'AFP Me Laurent-Franck Lienard, conseil du policier mis en cause dans ce dossier.
L'avocat a indiqué qu'il ferait appel "dans la journée" de cette décision.
Son client, Florian M., a été incarcéré pendant cinq mois lors de l'instruction, avant d'être remis en liberté sous contrôle judiciaire.
"Nous soutenons que le tir était légitime et nous entendons bien le faire juger", a ajouté son conseil.
Quant au non-lieu dont a bénéficié le second policier, il est "logique" car "les prétendues violences ou menaces de mort qui ont pu lui être imputées sont tout simplement imaginaires", a réagi son avocate Me Pauline Ragot.
"On est dans l'application de la loi, tout simplement", a pour sa part réagi auprès de l'AFP Me Frank Berton, avocat de la mère de Nahel, qui partage un "sentiment de satisfaction".
"On n'a eu de cesse de dire qu'il n'y avait aucun doute sur la qualification de meurtre qui devait être retenue,le parquet avait la même appréciation, les deux juges d'instruction ont aujourd'hui la même appréciation, reste aujourd'hui à convaincre la cour d'assises", a-t-il conclu.
Satisfation aussi chez Me Pauline Rainaut, avocate de l'adolescent passager arrière de la voiture de Nahel, qui salue "une décision juste qui retient une qualification conforme à la réalité des faits".
Pour Me Margot Pugliese, qui défend plusieurs membres de la famille de Nahel, ce renvoi qui "s'imposait" est un "immense soulagement".
- Reconstitution -
Une reconstitution des faits avait eu lieu le 5 mai 2024, notamment pour établir si le policier auteur du tir était en danger de mort.
Après celle-ci, un expert accidentologue "confirmait qu'aucune des versions n'était en totale adéquation avec ses constatations et analyses", selon le réquisitoire du parquet.
Les analyses avaient écarté d'un côté des coups portés à Nahel par les policiers, comme les passagers et certains témoins l'avaient affirmé, mais aussi la mise en danger des fonctionnaires.
"Il apparaît que le tir de Florian M. n'était pas, au moment du redémarrage, absolument nécessaire ni strictement proportionné, de même qu'il existait d'autres moyens d'immobiliser le véhicule", estiment les magistrats instructeurs dans leur ordonnance.
Cette dernière envoie "un signal désastreux pour notre collègue, pour le monde policier", a réagi mardi le délégué national du syndicat Alliance Police nationale Eric Henry sur CNews.
En mars, ce syndicat s'était déjà vivement indigné des réquisitions du parquet.
Quant au syndicat Un1té, il avait à l'époque soulevé des "interrogations légitimes" concernant le choix du parquet et apporté "son soutien" au suspect et à ses proches.
En 2023, 36 personnes sont décédées dans le cadre d'une mission de police, selon le rapport annuel de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).
G.Renaud--PP